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Communications - Modélisation de la révolution
Colloque Institut Charles Cros - MSH Nord - Avril 2009
Il ne sera question ici que de la notion de révolution dans les sociétés humaines envisagées uniquement sous l’angle de leur organisation sociale, concernant la gestion des choses et le gouvernement des hommes, comme l’imaginait Saint-Simon, et sans aucun doute de façon non exhaustive compte tenu de la complexité de l’objet.
Les sourires
On voit déjà, en effet, le sourire des experts en simulation, des spécialistes des modèles, des grands chefs de la théorie des jeux, brandissant l’écueil des niveaux de complexité.
Mais le plus large sourire appartient aux consciences septiques à l’égard d’une approche rationnelle d’un matériau posé irrationnel par définition, affirmant ainsi la non-pertinence d’un tel objet de recherche.
Les révolutions seraient spontanées, imprévisibles, inanalysables sinon par les historiens, dans l’après-coup, comme a dit Freud dans un autre domaine.
Sigmund Freud a énoncé ce concept en 1896, pour désigner un processus de réorganisation par lequel des événements traumatiques ne prennent une signification pour un sujet que dans un contexte historique et subjectif postérieur, qui leur donne une signification nouvelle. Et c'est Jacques Lacan qui a introduit la traduction française de «l'après-coup» en donnant à ce terme en 1953 une extension dans une conception de la cure fondée sur le «temps pour comprendre».
À emprunter ce concept dans notre domaine, il faudrait donc attendre le «temps pour comprendre» les révolutions dans les sociétés humaines.
À noter encore que Freud a fait de «l'après-coup» le caractère propre de la vie sexuelle. Les révolutions seraient-elles d’ordre sexuel ? Relèveraient-elles d’un pulsionnel incontrôlable ?
L’ironie conservatrice fait de toutes les révolutions l’itinéraire du labyrinthe vers l’horreur, à l’instar du supplice du pal qui - comme chacun sait - commence si bien et finit si mal. Il est vrai qu’à consulter les livres d’histoire, il est rare de trouver une révolution qui ne finit pas dans la violence, la terreur ou la tyrannie, sauf peut-être des révolutions, qui n’en sont pas vraiment, comme la révolution des œillets au Portugal, celle Orange en Ukraine ou, encore, celle des Roses en Géorgie.
Face au sourire du savant et à l’ironie du septique, faut-il déduire que toute vraie révolution doit s’enfoncer nécessairement dans la violence ? N’y aurait-il aucune chance de modéliser une ou plusieurs formes de révolutions non violentes réussies et durables ?
Pourtant, parmi tant d’autres, des tentatives ont fleuri et fleurissent encore qui élaborent des projections de sociétés idéales ou établissent des récits d’anticipation, notamment.
Les Utopies
Depuis La République de Platon, un nombre considérable de tentatives a vu le jour, s’apparentant à cette recherche d’une société humaine souhaitable, toutes classée par l’ironique sourire dans la catégorie des «utopies».
Il en est, telle celle de Thomas Moore, Utopia néologisme grec forgé par lui pour désigner la société idéale qu'il décrit dans son œuvre.
Il en est qui se veulent réalistes telle la Callipolis, belle cité selon Platon, toujours caché derrière Socrate ou encore, la Cyropédie du rival Xénophon.
Il en est enfin des littéraires plus ou moins fantaisistes. Par exemple, et parmi tant d’autres :
L’Abbaye de Thélème - Rabelais (1532)
La Cité du Soleil - Campanella (1623)
La Nouvelle Atlantide - Francis Bacon (1627)
L’Autre Monde ou les États et Empires de la Lune - Cyrano de Bergerac (1657)
Les aventures de Télémaque - Fénelon (1699)
L’Île des esclaves - Marivaux (1725)
Les Voyages de Gulliver - Jonathan Swift (1726)
L’Eldorado du Candide - Voltaire (1759)
Le Voyage en Icarie - Étienne Cabet (1840)
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