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Articles - Antigone ou le fatum transgénérationnel
Études psychanalytiques - Novembre 1999
Il n'y a pas plus transgénérationnel qu'un fatum, sorte de passage de l'alliance à la mésalliance comme de la lumière à l'ombre. Il n'y a pas d'alliance possible sans risque de mésalliance, pas de jour sans nuit, pas de lumière sans ombre. Les êtres sans ombre ne sont pas de notre monde.
Ils étaient quatre
Quelle belle descendance ! Un carré parfait avec alternance des sexes, deux filles, deux garçons, à la table princière, cartes en mains pour le jeu des familles : Ismène, Antigone, Étéocle et Polynice, tous le fruit des amours incestueuses d'Œdipe – du moins dans la version dominante. Car, dans ces histoires de catastrophes familiales, il y a souvent un grand nombre de versions dont certaines, même, trouvent une fin heureuse. Parmi d'autres, dans la version d'Euripide(1), en effet, Antigone est cachée par son fiancé Haemon, chargé de la tuer. Elle a un enfant de lui. Sur l'intervention de Dionysos ou Héraclès, ils sont pardonnés et on les marie officiellement.
Mais la forme la plus courante de la tradition fait d'Antigone une héroïne tragique.
Juste pour mémoire
Lorsque Œdipe, éclairé sur ses actes par l'oracle de Tirésias se fut aveuglé et banni lui-même de Thèbes, il partit, mendiant son pain sur son chemin. Antigone se fit sa compagne. Leur route les mena à Colonne, en Attique, où Œdipe mourut. Alors Antigone revint à Thèbes et vécut avec sa sœur Ismène, qui était restée tranquillement "à la maison". C'est alors que le fatum frappa encore. Dans la guerre des sept chefs, ses deux frères, Étéocle et Polynice s'affrontèrent, le premier dans l'armée thébaine, le second dans celle qui attaquait sa patrie. Lors des combats aux portes de Thèbes, les deux frères moururent de la main l'un de l'autre. Créon, le roi, oncle des quatre enfants d'Œdipe, organisa des funérailles solennelles à Étéocle mais interdit qu'on ensevelit Polynice qui, par ambition, avait appelé et servi des étrangers contre sa patrie. Antigone n'accepta pas cet ordre. Pour elle, c'était un devoir sacré, imposé par les dieux et des lois non écrites, mais impératives, que l'ensevelissement des morts, surtout de ses proches parents. Alliance de la lignée exige.
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