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Articles - Alliance, pour quoi faire ?
Études psychanalytiques - Octobre 1999
Certes, dans les textes initiaux de référence (Études sur l'hystérie), on va trouver la notion d'alliance, en creux, sous la dénomination de "mésalliance", qui introduira le discours sur le concept de transfert comme "erreur affective", utile à l'évolution de la cure thérapeutique. Le même Freud, par ailleurs, fera allusion à la nécessité de prendre parfois en charge des personnes "faibles de caractère … peu capables de s'adapter à la vie". Mais il prend soin d'insister sur le fait qu'il faut y mettre précaution et faire en sorte que cela ne dure pas.
Après un siècle de clinique, à l'écart de toute cuistrerie, on m'accordera que la littérature analytique semble ne pas considérer le "holding" comme une bonne entrée en analyse.
Aussi, n'est-il peut-être pas inutile de mener réflexion sur ce que suppose la notion d'alliance thérapeutique.
Bague au doigt, corde au cou
Alliance, cette chose ronde, circonférence, minuscule tore de métal précieux, que l'on se passe au doigt, cette marque d'aliénation, cette menotte digitale, doit-elle symboliquement présider au travail psychanalytique qui prétend être quête de liberté ? Présider non, mais appartenir à la démarche même ? Chemine-t-on vers la liberté avec des chaînes ? L'analysant doit-il être mené en laisse ?
C'est de la provocation !
Sans doute. Pourtant, toute alliance ne suppose-t-elle pas chaînes ? Et l'analyse peut-elle faire l'économie du sens ordinaire des mots ?
Alliance, suggestion
Toute alliance suppose un accord intervenant entre des pays, des groupes, des personnes, voire des "choses".
On y trouve un rapport de parenté établi par le mariage, un accord de choses de nature différente qui n'en sont pas moins mises ensemble. La botanique y voit des associations végétales. Le Droit établit le lien qui unit des époux, qui assujettit des personnes à d'autres, le Droit International, des traités qui tissent des obligations entre différents pays.
Avec l'oxymoron, nous découvrons une "ingénieuse alliance paradoxale de mots", comme se hâter lentement ou un silence éloquent (silence de psychanalyste ?).
Nous voyons bien ce que les "alliances politiques" peuvent tirer de ces ingéniosités paradoxales, sortes de compromis qui sont davantage "alliages" qu'alliances, comme ces métaux qui sont, certes, utiles mais n'en sont pas moins des hybrides (laiton = cuivre + zinc ou bronze = cuivre + étain).
En bref, toute alliance suppose une modification de chacun des contractants pour constituer une façon "d'égrégore", dans lequel le tout n'est pas équivalent "à la somme des parties", qui s'en trouvent assujetties.
Égal, vassal
Il existe, en effet, deux formes d'alliance : d'égal à égal, qui n'en évite pas pour autant la suggestion réciproque et de suzerain à vassal avec suggestion univoque (quoique l'histoire nous dise que le suzerain "doive" protection à son vassal).
La plus spectaculaire des alliances de suzerain à vassal, sont celles, successives, octroyées par Dieu, notées dans l'Ancien Testament :
- Adam et Ève se multiplieront et domineront toute créature à condition de ne pas goûter à l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Raté.
- Dans son alliance avec Noé, Dieu promet de ne plus détruire la terre par l'eau, autorise de manger la chair des animaux tués selon les règles et vidés de leur sang. Réussite ambiguë.
- Abraham se voit attribué la terre de Canaan avec obligation de faire circoncire tous les mâles. "Et je te donnerai, pour toi et ta postérité, la terre de tes pérégrinations, toute la terre de Canaan, comme possession éternelle» (XVII, 8). Matière à conflit.
- À David, Dieu promet un royaume éternel et quand celui-ci sera détruit, il annoncera la venue d'un messie rédempteur, fils de David. Apparence d'une parole tenue.
- La plus exemplaire des Alliances de l'Ancien Testament est celle que Dieu octroya à Israël, par Moïse, sur le Mont Sinaï, ordonnant les Dix Commandements et offrant la libération de son peuple à condition d'être reconnu par lui et obéi sans autre condition.
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